L’histoire d’une image : la danseuse de Fabrice Chaufouraux

Samedi 21 mai 2011

Je suis au Palais des Beaux-Arts de Charleroi pour une prestation marathon : la couverture photographique du gala de danse de l’école Dance’s Passion, à Pont-à-Celles. Au programme, shooting des élèves, danseurs et danseuses, de trois ans à l’âge adulte, durant la répétition générale du samedi, ainsi que durant la représentation unique du dimanche.

La pression est forte, sur mes épaules comme sur celles des artistes et de leurs professeurs.

Ma plus grande fille, élève, devant être présente une heure à l’avance, je suis moi aussi très tôt sur place. Plongé dans le noir de la salle. Le temps semble suspendu.

Le matériel est prêt, vérifié et revérifié, à la lueur d’une lampe de poche, presque de manière obsessionnelle.

Au bout d’un moment, cinq jeunes filles en tutu blanc apparaissent sur la scène. Il n’y a pas encore de lumière, pas de musique… Rien n’a vraiment commencé.

Néanmoins, je saisis mon appareil et m’approche un peu.

Les fille sont groupées, parlent et rient, passent le temps en attendant que la répétition commence.

Il n’y a pas assez de lumière et les filles me tournent le dos : je ne ferai rien de bon.

Je passe le temps en discutant de tout et de rien avec le caméraman.

Puis, soudain, du coin de l’oeil, je vois la scène qui change. Le groupe de danseuses se sépare, s’éloigne, tandis que l’une d’entre elles s’assied au sol pour ajuster son chausson.

La scène est parfaite, et c’est à ce moment que le responsable éclairage allume son traceur dont la lumière enveloppe aussitôt la jeune fille assise. Hasard, ou lui aussi a-t-il été séduit par le tableau ?

Cette fois, elle est là, la photo !

J’abandonne ma conversation sans remords, vise, ajuste le cadrage… Cela va très vite. Je déclenche. Une seule fois. Le traceur est maintenant sur une autre cible.

Je regarde mon écran… À première vue, c’est tout bon. Restera à voir cela sur grand écran pour mieux juger de la netteté, mais j’ai confiance. J’ai envie de dire merci.

Ce sera la première photo de ce long week-end. La première d’une série de trois mille photos. La première, et la meilleure.

Dès le soir, je sais que cette photo, je voudrai la montrer.

La jeune fille est mineure, je devrai d’abord avoir l’accord de ses parents. Je me renseigne, on me dit son nom, mais cela en reste là.

J’oublie son nom, je renonce presque à poursuivre.

 

Avril 2012

Presqu’un an plus tard, j’accueille un stagiaire dans ma classe.

Lors d’une visite d’une de ses pédagogues, nous discutons de choses et d’autres. De Pont-à-Celles, de l’école de danse, de mon rôle de photographe…

La pédagogue s’exclame alors : « Mais c’est vous, alors, qui avez fait cette magnifique photo de ma fille ! »

Je lui parle des documents d’autorisation. Elle recevra un agrandissement imprimé avec soin… Nous sommes d’accord.

Pour la seconde fois, j’ai envie de dire merci…

Fabrice Chaufouraux, membre du Photo-Club de Pont-à-Celles